Dans une lettre écrite à Amsterdam et datée du 5 mai 1631, Descartes explique à Jean-Louis Guez de Balzac qui vit alors retiré dans son domaine des environs d'Angoulême, les raisons qui l'ont conduit à résider dans les Provinces Unies: "Quel autre pays pourrait-on choisir au reste du monde où toutes les commodités de la vie et toutes les curiosistés qui peuvent être souhaitées soient si facile à trouver qu'en celui-ci? Quel autre pays où l'on puisse jouir d'une liberté si entière, où l'on puisse dormir avec moins d'inquiétude, où il y ait toujours des armées sur pied exprès pour nous garder, où les empoissonnements, les trahisons, les calomnies soient moins connus, et où il soit demeuré plus de reste de l'innocence de nos aïeux?"
Et Descartes d'ajouter, en comparant la vie de son correspondant et la sienne:" Quelque accomplie que puisse être une maison des champs, il y manque toujours une infinité de commodités, qui ne se trouvent que dans les villes; et la solitude même qu'on y espère, ne s'y rencontre jamais toute parfaite. [...] Mais malaisément se peut-il faire, que vous n'ayez aussi quantité de petits voisins, qui vous vont quelquefois importuner, et de qui les visites sont encore plus incommodes que celles que vous recevez à Paris; au lieu qu'en cette grande ville où je suis, chacun y est tellement attentif à son profit, que je pourrais demeurer toute ma vie sans être jamais vu de personne."
Descartes, les moulins et la nature
Quand Descartes s'installe aux Pays Bas à la fin des années 1620, le pays était alors en train de développer la technique des polders, étendues artificielles gagnées sur l'eau. Le premier polder a été aménagé à Beemster en 1612 par l'ingénieur hydroraphe Jan A. Leeghwater (1575-1650). Puis ont suivi Purmer (1622), Heerhugowaard (1625), Starnmeer et Wormer (1626). Descartes n'a pas pu manquer d'observer comment, en utilisant des perfectionnements du moulin à vent, les ingénieurs parvinrent à créer des terres agricoles là où l'eau souvent saumatre avaient tendance à stériliser les terres. Peut-etre une source d'inspiration pour ce passage du Discours de la Méthode qui fait écho à ce qu'on du etre les motivations des premiers ingénieurs chargés de l'asèchement des polders: "connaissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux, et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maitres et possesseurs de la nature."